• J'ai tout porté...

    J'ai tout porté...

    [Photo : Julie de Waroquier]

     

    Je me suis portée à bout de bras, à bout de souffle, à bout d'âme, en dépression, en délire, en sang, avec l'envie de me défenestrer, avec l'envie de me jeter sous les roues d'une bagnole, avec l'envie de me taillader.

    Je t'ai portée à bout de nerfs, à bout de sentiments, à bout de désir, en supplice, en silence, en froid, avec l'envie de t'étouffer avec ton égoïsme, avec l'envie d'être la roue de ton karma, avec l'envie de te fuir.

    Il y a eu un immense trou noir (encore un) dans mon existence et j'avais besoin que tu me soutiennes. Finalement, que tu prennes ma place et nous portes. Tu as brillé par ton absence, bien sûr. C'est vrai que ton pote allait mal, pardon t'sais. T'étais pas là. T'es jamais là. Même quand tu es là, t'es pas là. J'ai alors continué à me porter, puis toi, puis notre fils, puis nos papiers, puis toutes tes exigences et toutes tes crasses. À regarder la fenêtre : Allez vole ma fille, allège ton poids et vole !

    Je suis restée là, louve blessée et dominée, accablée et enténébrée, abandonnée et humiliée, en quête d'un coin où je pourrais crever sans trop gêner, sans faire trop de vague, sans trop chambouler ta tranquille existence. Comme si je n'avais jamais existé, rayée de l'histoire de l'univers avant d'y avoir été nommée. Le chef d’œuvre de ma non-vie.

    Et par-delà ma non-existence, j'aurai sorti ma plume d'errance et j'aurai écrit. Celle-là même que je n'osais pas trop dégainer pour te cracher dessus, pour te faire vivre mille douleurs, pour te fracturer par jet d'encre. Blessure par mot. Tu ne l'aurais pas lu, pas vu, pas entendu, pas senti. Bien entendu. Tu es sourd au monde depuis qu'il n'y a que toi. Toi. Toi. Toi. Ça me fait gerber moi.

    Eh dis, tu voudrais pas me gommer encore ? Tu m'as mal effacée. Je me débats encore, je me déterre, je reprends vie. Le mécanisme de me veines redémarre, je l'entends pulser sous ma peau. Et j'suis tellement transparente que j'le vois aussi. J'arrive à m'exprimer, j'arrive à devenir lucide, j'arrive à faire l'état des lieux. Je ne suis plus lobotomisée même si toujours robotisée. Mon coeur reste mort mais il l'était déjà avant toi, alors alors... Il y a beaucoup de dégâts, forcément tu imagines. Ma maladie. Toi. Moi, puisque je suis mon plus grand fardeau. Tu paieras la douloureuse, moi pendant des années j'ai laissé des pourboires à tes représentations dans l'art de me prendre pour une conne. Une demeurée même ! Comme si j'avais eu besoin de toi pour ça...

    J'ai tout porté, j'ai tout supporté, et même surporté. J'ai tout avalé et digéré. Tes actes. Les miens. Ton absence de mots. Ma présence de maux. Ça fournit des rimes à mes mots d'estomac, tu me diras. C'est le calme dans ma tête. Entre toi et moi. Depuis... Pfiou, je ne sais même plus. Tic tac. Tic tac. Tu l'entends le temps qui s'égrène et nous annonce la fin ?

     

    Malia Rigazzo.

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