• Je t'appellerais T comme Trouble

    Je t'appellerais T comme Trouble

    [Photo : Jean-Philippe Malaval]

     

    Peut-être qu'un jour, lecteur, lectrice, la seule preuve de mon existence sera les mots que j'ai laissé se perdre ici.

    Je crois, que tout être humain, quand il arrive au bout de tout ce qu'il peut endurer, finit par tout quitter. Souvent dans un drame dont il ne profite plus.

    Qui aurait cru qu'à 27 ans, je la verrais déjà de loin cette putain de fin. Elle me nargue avec ses pieds de nez. Salope.

    J'en ai marre de me battre, je n'ai fait que ça. J'ai écorché mes genoux et le sens qu'aurait pu avoir la vie. Celui que j'aurai pu lui donner aussi.

    Je suis seule avec mes problèmes. Faut dire que je l'ai bien voulu aussi. Mais y'a personne qui s'y intéresse beaucoup non plus.

    J'suis forte ? Ouais j'suis forte. Dans l'art de le faire croire. Surtout. Avant tout. Seulement.

    Je me suis usée à me battre, entre louve et lionne. Entre désespoir et l'envie d'y croire. J'y crois plus. Quand j'suis née, on a rayé ma vie avec un grand "C'EST FOUTU" !
     
    Je me suis jamais imaginé vieillir de tout façon. Même pas atteindre la trentaine. C'est pas une question de suicide. C'est un instinct. Je l'ai toujours su. Peut-être le début d'une autre vie, qui sait ?
     
    Mais tu sais quoi, lecteur, lectrice ? 
    Y'a ce mec en bas de chez moi, avec ses allures de rien, avec ses promesses de tout. Sans qu'on se connaisse. Il me donne.
     
    Un instant. Un regard. Un sourire. Du temps. Le sentiment d'être vivante et visible. Dans l'ébullition respective de notre train-train. Lui et la mécanique des voitures. Moi et la mécanique de mon cœur  Ça change des mecs à nique... Peut-être saurait-il me bricoler et me réparer. Ce monsieur T comme trouble. Mon trouble. Oui, je l'appellerai T. 
     
    Mon coeur tout pourri qui s'emballe quand mes yeux semblent le voir. Il se serre aussi, quand ce n'est pas lui. Et quand je ne le croise pas, j'ai un peu l'impression d'avoir raté ma journée, d'avoir perdu mon temps.
     
    Qui aurait cru qu'un parfait inconnu pourrait produire des élans en moi qui m'étaient inconnus ? Et d'autres qui étaient morts ?
     
    On me dit de lui parler. Je n'ai pas envie. J'aime la manière dont on ne se parle pas même si ça me tue de ne pas connaître le timbre de sa voix ou de ne pas saturer mon odorat de son odeur. J'ai peur aussi. Et si, ça niquait tout ? Il y a de la magie dans ces instants égarés où l'on s'entrecroise. Ça suspend le temps. 
     
    Respiration retenue. Un frôlement. Deux âmes qui se croisent et qui se caressent. Des yeux qui s'observent et s'apprivoisent. Deux troubles aux sourires hésitants. Un sentiment de complémentarité. Le silence qui savoure l'instant. 
     
    Y'a de la magie, je vous dis. Tremblotante et maladroite. Timide et réservée. Elle est là. 
     
    Peut-être que j'hallucine tout ça. Je suis très fantasque et rêveuse. Ce n'est pas bien grave. Ce n'est pas important. Parce que, l'imaginer me sauve. Imaginer T. me sauve, oui.
     
    Ça me donne envie de me lever le matin. Ça me donne envie de voir demain, et tous les jours d'après. Ça me donne le sourire niais d'une adolescente attardée. Ça me donne le courage de repousser l'inévitable parce que nul repos ne pourra m'être accordé tant que je n'aurai pas cartographié sa peau, deviner l'immensité des pensées qui se cachent derrière ses regards, tant que je n'aurai pas compris les mots que ses lèvres me sourient.
     
    Très cher T. toi qui ne lira jamais ceci, toi à qui je ne parlerai probablement jamais. Sache que sans rien faire, tu as réussi le tour de force de faire croire à une nana désabusée que, parfois, il suffit juste d'un regard et d'un sourire pour comprendre un tant soit peu le sens de la vie et l'intérêt de la parachever. Tu es l'éclaircie rayonnante du trou noir que je représente et pour cela... 
     
    Je te dois tellement. 
     
    Merci. D'éclairer mes sombres jours.
    Merci. D'exister.
    Merci. De me rappeler que j'existe aussi.
    Merci.
    Mille fois merci.

     


    Malia Rigazzo.Texte protégé - Tous droits réservés.

    Je t'appellerais T comme Trouble


  • Commentaires

    2
    Vendredi 3 Mars 2017 à 12:16

    Très beau texte et je suis plutôt en accord avec ta réaction, dans le sens où cette magie est tellement belle qu'il serait dommage de la gâcher en brisant la pureté de ce silence.



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