• Comprends, putain !

    [Photo : Hannes Roether]

     

    J'aimerais que tu comprennes que ma vie n'est qu'une mascarade. Je ne sais pas pourquoi je souris et encore moins pourquoi je pleure. Que "Tout va bien quand tout va mal" n'est pas qu'une simple phrase pour moi, c'est le titre de mon quotidien. Mes pas sont indissociables de ma tristesse. Où je vais, elle va. On s'est juré fidélité, il y a longtemps, sous l’œil protecteur de la Lune. Je tiens mes promesses. Comprends que, jamais, je ne pourrais la chasser, ce serait comme m'amputer d'une moitié de mon âme. Cela fait si longtemps qu'elle cohabite avec moi que je ne peux imaginer ma vie sans elle. Je serais toujours de ces personnes qui sont abritées par un fond de tristesse, de ces personnes qui s'en accoutument bien parce que la tristesse est eux. Comprends que je ne suis pas heureuse parce que je suis trop intelligente. Simplement, je suis trop émotive et hypersensible pour ce monde, que tout m'écorche et me balafre. Tu le sais, je suis de ces personnes qui comprennent la souffrance sous toutes ses intensités, cela me rend plus encline à comprendre la tienne. Je ne suis pas intelligente, j'ai un vécu, nuance. Le genre de bagages qui t'arrachent les yeux de l'insouciance à l'âge où tu te prenais encore la tête pour battre la ligue pokémon. 

    J'aimerais que tu saisisses que le vide m'habitera toujours, qu'importe mes efforts à le remplir. Je fuis de tous les côtés comme un récipient fêlé. Je tombe à l'intérieur de moi-même, une chute sans fin. J'ai affreusement peur de ce vide, il vient en cycle, sans que j'y puisse quoi que ce soit. Je ne peux pas le chasser. Il est tenace. Alors, je tombe. Et tombe. Je me ramasse la gueule et je remonte pour mieux retomber. Un éternel recommencement. Comprends que j'ai éperdument besoin que dans mes sentiments de vide, on me laisse seule. Laisse-moi couler. Je remonte toujours à la surface, de toute façon. Je suis une battante, je n'ai pas tant trimé dans ma putain de vie pour lâcher les armes maintenant. Mais quand le vide m'étreint, ne me retiens pas. Dans ma descente aux enfers, je ne veux personne. Comprends-le. Puis, j'écris. Je gratte le papier, j'y insuffle mes maux, les doigts crispés de rage sur mon stylo. Je rature cette saloperie de vide à coup d'encre. Je le tranche net. Et putain, comprends, que je tire ma plume de tout ça. De cette tristesse si vivante, de ce vide si effrayant. J'écris parce que je coule. Ma plume c'est mon psy et ma feuille mon divan. Comprends, putain ! 

    J'aimerais que tu acceptes que j'aie une multitude de fissures qui ne pourront jamais être colmatées, elles sont si vieilles que le temps les a agrandis toujours plus, sans espoir de guérison. Les pages de ma vie sont écrites dans les larmes et le sang, la traîtrise et l'abandon, le désespoir et la tristesse, la rage et la haine. Un mélange qui me rend brutale. J'attrape des coups de sang comme on attrape un rhume. Je peux tout envoyer valser pour un oui ou un non. Accepte que l'amour, je ne sais pas faire. Je me sens mal à l'aise avec ça, je ne sais pas m'en dépatouiller. Bordel, qu'est-ce que je suis censée faire de ça ? Je préfère les distances de sécurités et j'en ai mis tellement autour de moi qu'on ne m'approche que de loin. Accepte que je sois toujours ce mystère sans réponse. Il y a des choses dont je ne pourrais jamais parler, c'est plus fort que moi. On m'a trop souvent poussé dans le ravin que cela fait bien longtemps que je ne crois plus aux mains tendues. Accepte que je puisse aimer farouchement les gens et pour autant ne jamais arriver à leur faire entièrement confiance. On peut y mettre toutes les meilleures intentions du monde, je reste toujours méfiante, tel le chien qui a pris trop de coups et qui a gardé les séquelles, se rappelant que la main, ça sert à battre. J'ai parfaitement conscience que mon isolement je le créais, mais je m'en accoutume. Je suis bien toute seule, bercée par le silence si cher à mes oreilles. 

    J'aimerais que tu sois indulgent avec mon comportement houleux, avide de combats, car je me fais du bien en me faisant du mal. Toutes ces fois où je cherche la petite bête pour pouvoir expulser ce mal-être qui me ronge. Ou encore, toutes ces fois, où je suis le silence habillé de sa froide indifférence. Ne crois pas que je me sente supérieure à toi, mais il faut bien que je m'arme de mon armure pour combattre tout ce que je ressens. Tu sais, mon armure, elle est vieille, elle s'est greffée à ma peau, si je passe mes doigts dessus, je sens toutes les fêlures qu'ont occasionnés tous les poignards qu'on m'a jetés dessus, comme si j'étais quelqu'un à abattre. Quand je ne sais plus pourquoi je me bats, je regarde toutes ces marques forgées dans le temps, et je me rappelle que je survis pour le droit de vivre. Je n'ai pas voulu tout ça, je n'ai pas voulu tant de choses. Si tu savais. Je masque mes douleurs sous des sourires qui te bernent un peu trop facilement. Je sais que tu ne vois pas que mes sourires ne montent jamais dans mes yeux. Ce n'est pas grave. Je n'ai jamais attendu que quelqu'un le voie. Je m'en fous en fait, je crois. Toi, tu vois des étoiles dans mes yeux, mais ce ne sont que des nuages de détresse qui virevoltent. Après ça, j'userais d'humour à deux balles, parce que tant qu'on fait rire les gens, ils pensent toujours qu'on va bien. 

    J'aimerais te dire que je suis désolée d'être seulement ce que je suis, mais ce serait plaider coupable pour ce que les gens ont fait de moi. Ce serait devoir m'excuser d'avoir choisi les mots comme glaive et bouclier. Ce serait devoir renier tout ce qui a fait ce que je suis. Tu oublies que seule la Lune peut me juger et que je n'ai à rendre de compte qu'à elle. Je lui dois tellement de nuits à avoir veillé sur moi, alors que je partais en couille s'en savoir où c'était. Seulement que je m'y faisais mal. Mais tu vois, tout ce qui te dérange chez moi est également ce qui t'a séduit. Cet air de poupée brisée qui s'enrage à vivre.

     

    Malia Rigazzo / Texte protégé - tous droits réservés. 

     

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  • Bécasse qui pense

    [Photo : ??]

     

    Je joue les bécasses

    Mais j'en ai plein dans la carcasse

    Tu sais, celle d'en haut

    Que tu vois pas, fixé sur mes petits lolos

    Juste bon à bander

    Pas trop à penser

     

    Mon âme tu ne peux pas la bousiller

    Je l'ai déjà esquinté, troqué, enflammé

    Aux idées noires

    Aux toqués et aux tocards

    Je ne cherche plus de coup d'espoir

    J'ai trouvé comment on marche dans le noir. 

     

    Mais toi, tu n'aimes pas ça

    Toi, t'as besoin des projecteurs pour dire que t'es là. 

    Je fuis l'idée d'être un bon spectacle

    Tu sais moi, de mes déboires, je n'en suis que le réceptacle 

    Il n'y a pas de quoi en faire un show 

    Le chaos et l'échafaud, à personne ça ne tient chaud.

     

    Alors je navigue entre l'ombre et l'oubli

    L'envie et l'inassouvi. 

    La nuit et l'insomnie.  

    La survie et la vie. 

     

    Malia Rigazzo / Texte protégé - Tous droits réservés.

     

    Bécasse qui pense


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  • Aller, viens !

    [Photo : Converse Mexico]

     

    Viens, partons ensemble. Suivons le vent et l'instinct. Laissons-nous guider par la folie, elle connaît le chemin. Elle nous ouvrira les sentiers qu'aucun humain n'a jamais visité, on y laissera un bout de notre âme comme contribution, on y laissera flotter le plaisir de nos corps en fusion pour qu'ils ne fassent jamais mourir le désir, on y laissera quelques rêves pour ceux qui n'en ont plus. 

    Viens on s'en va. On part décrocher quelques étoiles pour les mettre dans nos yeux, pour les mettre dans les sourires qui n'ont plus la force de se montrer, pour les mettre dans les coeurs afin qu'ils ne craignent plus l'obscurité. 

    Viens, allons-nous-en. Sur la route, levons bien haut notre majeur à ce monde qui n'a jamais été le nôtre puisqu'il ne nous a jamais voulu pour qu'il sache qu'on le quitte sans regrets. Chantons pour tous les délaissés, les incompris, ceux qu'on ne calcule pas afin qu'ils sachent que nous partons bâtir notre propre empire et qu'on y sera tous Rois et Reines.

    Viens, cassons-nous. Loin, très loin de leur gravité, de leur conception de normalité, de leur besoin malsain de mettre une étiquette à tout le monde. Loin de tout ce qui nous bousillent. Loin de tout ce qui nous fait perdre la foi en nous. Loin, je te dis. Vraiment très loin. 

    Viens, barrons-nous. Là où on peut briller de sa propre lumière, même si elle est un ternie, faible, presque disparue. On la ressuscitera ensemble, le temps ne compte pas là où on va... 

     

    Malia Rigazzo / Texte protégé - Tous droits réservés.

     

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  • Je suis...

    [Photo : Eve of Destruction]

     

    Je suis...

     

    Le jour et la nuit

    La Lune et le soleil

    La none et la putain.

    L'espoir fou et la tranchante fatalité.

    La rage et la douceur. 

    L'éternité et l'éphémère. 

    Le ciel et la mer. 

    Et tellement de choses encore. 

     

    Je suis...

    Le néant et son plein.

    L'immensité et son vide.

    Tout et rien. 

     

    Démerde-toi donc avec ça. 

     

    Malia Rigazzo / Texte protégé - Tous droits réservés.

     

    Je suis...


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  • Diable blanc

    [Photo : Laura Makabresku]

     

    Je crèverai dans les allées des brumes, sans pouvoir embrasser une dernière fois ce diable blanc que j'ai épousé un soir glacial d'hiver.

    Il m'a promit la mer un soir d'orage, le soleil durant une éclipse, la vérité dans un mensonge, l'éternité dans l'éphémère. 

     

    Je crèverai dans la brume courant dans les allées et venues, sans pouvoir raccommoder une dernière fois les plumes de ce diable blanc que j'ai chéri un jour de nuit. 

    Il m'a donné envie de voler au fond du trou, de sourire les larmes pleins les joues, l'amour en apoplexie. 

     

    Lui vivra car je lui ai donné un goût d'agrume sur ses lèvres brunes et la légèreté de l'enclume.

    J'ai enfilé son costume pour qu'il cesse d'effleurer le bitume. 

    Parce qu'ils ont l'amertume

     Et nous avons la plume... 

     

    Malia Rigazzo / Texte protégé - Tous droits réservés. 

     

    Diable blanc


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